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The Sinner & the Saint



Writing & editorial design                                                                                              2018


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The Sinner

La scène se passe en hiver. Blouson noir qui s’immisce sur un manteau blanc. Tout ne commence pourtant pas ici : l’ennui est aux périphéries de l’errance, ce choc statique nous conditionne, nous fait prononcer des mots en silence, agir en solitaire, préparer des plans secrets. J’ai un plan secret.
Routes droites, routes sinueuses, marcher pendant des jours, sans que le temps ne s’éloigne, seulement statique et contemplatif, levé et coucher, je ne saurais m’en lasser, les couleurs sûrement, l’annonce de l’imprévu surtout, j’ai secoué mes chaussures, fourmillement intenses, ce sont des centaines d’insectes qui se sont déplacés sous mes pieds.

Les marées de la nuit retiennent mon âme, thoracique et resserrée. À l’intérieur, des cafés froids oubliés sur le rebord des tables. A l’extérieur des pylônes immenses encerclés par le brouillard. Derrière la gare, des abris exigus et humides, et cette noirceur qui y règne. Des formes rondes qui insistent, qui incitent, à les inciser. Des formes rondes et non symétriques qui me font oublier les lignes, les routes et les blocs.
Je m’apprête à te retrouver. Je cherche à comprendre les angles, discerner les formes, c’est une enquête dans mon propre passé. C’est encore flou, mais il y a bien des rideaux, lourds et opaques, pourpre et baroque est la nuit, qu’enveloppent des tons auburn, ceux de tes cheveux déposés sur une table basse. Perte de conscience, tête posée sur un papier froissé, fenêtre ouverte, courant d’air qui me fait basculer vers des roseaux bleus et lumineux.

Bruit de moteur. Muer vers une forme inconnue et floue, je n’aurai jamais d’identité, car je n’attends rien de moi-même sinon l’ennui, je nous sais hors du temps, accomplir fastidieusement l’insensé, gardons nous des formes exactes et calculées, nous le savions, et jamais je ne pourrais savoir si je me suis réellement détesté d’avoir oublié, ou de vivre, indolore.
Tables éventrée, dont les fissures ne dégagent plus ton souffle, éteint. Étendue, paisible, je suis, je sais, le coupable idéal, car le seul en réalité, qui aurait pu t’empêcher d’agir. J’ai fui, c’est louche, je ne savais pas quoi faire, je ne me suis pas reposé la question depuis. Je vois des corps pendus à des branches dans cette forêt, il me suffit de fermer les yeux pour t’imaginer te balancer. Je ne l’ai pas souhaité ansi, je l’ai voulu aléatoire, les chemins, les pas s’enfonçant dans la neige, m’ont rappelé à ma conscience. Mais c’est comme si je m’étais laisser porter.

De retour chez soi, on est anonyme et amnésique. Je crois que j’ai parlé dans mon sommeil, j’ai prononcé quelques débuts de phrase, avec difficulté, je me suis arrêté nerveusement. Qu’ai-je pu dire ? Une fois une phrase prononcée, elle peut se jouer une infinité de fois en dehors de nous, c’est vertigineux. Une fois prononcée, elle ne nous appartient plus. Que penser à présent de mes mots, prononcés, faut-il que je les prononce à nouveau, personne ne me croira à nouveau, que j’ai pu t’aimer, ce n’est que passé, effaçons les mots.

Emprisonné avec un étranger, égal à un marginal. Je vous écris ces lignes et il est six heures. Ceci est le témoignage d’une réalité passée, autre, inconnue et lointaine. Ce sont des lignes de temps où je m’échappe quand je pense dormir.  Est-ce encore mon écho que j’entends progresser parmi les couloirs de neige ?

J’entrevois des formes, plus blanches, plus claires. Je m’endors, sur ces formes, qui dépassent des arbres. Comme des bras tendus vers moi.

Text: Ismaël Jouhari
Design: Ismaël Jouhari
Photos: Only God Forgives (Nicolas Winding Refn, 2013)
Typefaces: Aktiv Grotesk, Minion Pro

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