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Critique Vie TM - Jean Baret

Vie TM - Jean Baret
2018

Résumé de l'éditeur :

Sylvester Staline, citoyen X23T800S13E616, tourne des cubes colorés. Un boulot qui en vaut bien un autre, au fond, et qui a ses avantages. Son compte en banque affiche un solde créditeur de 4632 unités. Et si son temps de loisirs mensuel est débiteur de huit heures, son temps d’amitié restant à acheter est dans le vert. Sans même parler de son temps d’amour : plus de quarante-trois heures ! Une petite anomalie, c’est sûr ; il va falloir qu’il envisage de dépenser quelques heures de sexe… Mais de là à ce qu’un algorithme du bonheur intervienne ? Merde ! A moins que cela ait à voir avec cette curieuse habitude qu’il a de se suicider tous les soirs ? Il n’y a jamais trop songé, à vrai dire… Sylvester ne le sait pas encore, mais il pourrait être le grain de sable, le V de la vendetta dans l’horlogerie sociale du monde et ses dizaines de milliards d’entités. D’ailleurs, les algorithmes Bouddha et Jésus veillent déjà sur lui…

Billet :

Ce roman s’inscrit dans la trilogie Trademark dans laquelle chaque tome est indépendant.

Jean Baret nous présente, ici, une société faite d’humains parqués, gavés de contenu numérique, où chaque facette de la vie est régie par un système de temps aussi vain qu’artificiel, le tout orchestré par des algorithmes autogérés.

Comme dans Bonheur TM, s’instaure au fil des pages une boucle journalière exposant les rituels, les habitudes et les composantes de la vie du protagoniste. Elle nous entraine dans sa spirale et nous mène tranquillement mais surement jusqu’à l’aliénation. Comme en musique, cette ritournelle devient progressivement la toile de fond du récit, le cadre d’une journée et permet de sublimer le moindre changement, la moindre nuance différenciant un cycle d’un autre.

Sur ces entrefaites, vient se greffer une surcouche d’informations numériques ultra connectée à base de réseaux sociaux, de « Pop culture » (Alerte digression : le roman est particulièrement giboyeux en références, elles popent en fonction des modes et peuplent l’atmosphère de sinistrose déniée. On prend plaisir à les repérer et à les reconnaitre. Il faut dire que cette société en déliquescence ne crée plus rien, les dernières oeuvres originales datent du XXIe siècle (sans aucun lien, avez-vous noté la recrudescence de remakes ces dernières années ?) Fin de digression), de reconstitutions historiques apocryphes, de pornographie débridée, de divertissements putaclics, où la publicité et l’information ont fusionné, le tout brassé dans un maelstrom de modes à la durée de vie éphémère. Les bas instincts de l’Humanité y sont flattés avec exhaustivité.

Dès l’enfance, les citoyens y sont baignés. Il y a néanmoins une exception pour les plus jeunes qui doivent échanger, par écrans interposés, avec d’autres humains et non des algorithmes (la leçon apprise par Frédéric II, empereur de profession, a su traverser les âges).

C’est au travers des yeux (et des lentilles connectées) du protagoniste que nous découvrons cette société asphyxiée et inconsciente de l’être. La vacuité de cette vie imposée avec bienveillance le pousse au questionnement par intermittence et provoque un mal-être qu’il est bien en peine de s’expliquer.

Fort heureusement, la prévenance et la sollicitude des algorithmes ne tardent pas à détecter l’anomalie et à lui apporter (astreindre) leur aide. Le voilà donc catapulté prophète (l’auteur fait d’ailleurs ici une ode au nihilisme qui n’a rien à envier à certaines envolées lyriques de Damasio), faisant le métronome entre angoisse et je-m’en-foutisme. Il sera pourtant un vecteur de révolution pour un certain nombre de ses concitoyens mais surtout pour lui-même et ce, bien au-delà (et pourtant à portée) de ce que son esprit, saturé d’une oisiveté dissimulée, aurait pu imaginer.

C’est un roman qui interpelle (doux euphémisme), qui nous balance au visage les vices et
dérives d’une société avec violence, brutalité et fureur contenue mais aussi avec intelligence et psychologie. Il n’y a pas de place pour la censure, rien ne nous sera épargné. Il est d’autant plus puissant qu’il prend racine dans notre présent.
Jean Baret a assurément réussi à capter l’essence d’une société que pourrait devenir la nôtre et nous la sert, à travers ce roman (cette trilogie !), sur un plateau d’argent.

A tous les friands de dystopies et de « Pop culture » (et à tous les autres !), courrez vous y abimer et vous révolter.

Bonne lecture !

B.
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